Lettre ouverte à Tonton Rudolph:

LE DIESEL POLLUE-T-IL PLUS OU MOINS QU'UNE DECHARGE?

Rudolf Diesel

Rudolf Diesel

 

Sacré Rudolph! Tu ne le sais pas mais tu en fais couler de l'encre (ainsi que du gasoil)... Toi tu as préféré te la jouer DiCaprio qui sauve le Titanic, tant pis, attends, faut quand même qu'on te raconte: ton moteur, on le trouve partout maintenant! Si si! Tu ne me crois pas? Eh bien même BMW fait des très hauts-de-gamme avec ton joujou! Et tu vas rire (mais pas trop fort sinon les poissons vont encore voir ton oesophage): le moteur est tellement au point qu'il surpasse le V8 à essence de puissance égale. Même que chez Jaguar et Rolls Royce on envisage des voitures à mazout. Et imagine, ton moteur a même séduit quelques Jacky's!!! Tu ne me crois toujours pas? Bon, je vais te raconter tout ce que tu savais déjà mais aussi tout ce que tu as loupé.

Avis important: ce texte peut comporter des lacunes techniques pour les spécialistes, mais c'est fait exprès pour que n'importe qui puisse vaguement comprendre. Sinon, on pouvait tout aussi bien recopier un bouquin très beau très cher avec plein de belles nimâââââches, hein?

FLASH-BACK RAPIDE (autos only):

Avant: Le Diesel sert aux camions, bâteaux, trains, groupes fixes, tracteurs,mais pas aux voitures.

1936, Mercedes Benz-benz-benz lance la 260 D, une berline à moteur diesel 2600cc développant royalement 45 ch. Pour info, la Smart Diesel (moteur Mercedes) en fait 40, avec... 800cc!

MB 260 D<= Mercedes 260D

1959, Peugeot met la première version de son excellent moteur Indénor, 1816cc, dans la 403. Les taxis adorent. Pour info, ce moteur est toujours fabriqué dans certains pays, en version 2304 et 2498cc (tu t'en fous? Pas moi!). Note qu'une 402 Diesel à moteur Perkins existait, plus confidentiellement, avant.

Peugeot 403<= Peugeot 403.

 

Années 60: les gammes se diversifient, Peugeot développe un nouveau moteur révolutionnaire (enfin presque) de seulement 1255cc pour sa 204, tout alu, arbre à cames en tête (comme Mercedes), boîte sous le moteur (comme les Mini). 35 ch et une consommation d'oiseau ne suffisent pas hélas à combler quelques lacunes de fiabilité...

404 Coupé Diesel (record) <= ce coupé 404 était équipé d'un Indénor Diesel. Il n'a servi qu'à quelques records de vitesse sur circuit.

Années 70: le succès des Peugeot et Mercedes diesel est tel que de nombreux constructeurs s'y mettent, avec plus ou moins de bonheur, mais souvent plus que moins: Opel, Fiat, Renault, Citroën, Audi, VW (qui popularise enfin le petit Diesel grâce à la Golf), Datsun, General Motors (avec un énorme V8), Ford (avec l'Indénor), Volvo (moteur VW 6 cylindres). Mercedes et Peugeot élargissent les gammes de cylindrées mais sont aussi les premiers à proposer un turbocompresseur sur leurs hauts-de-gamme. Cette solution est très simple: une turbine est actionnée par l'énergie résiduelle des gaz d'échappement. Elle est reliée à une autre turbine (compresseur) qui force l'admission d'air dans les cylindres. Résultat: limitation des pertes dûes à l'aspiration, plus grand excès d'air permettant au gas-oil d'être mieux brûlé (consommation en baisse, couple en hausse, pollution en baisse), et possibilité de règler la pompe d'injection sur un débit plus important (augmentation de la puissance).

Années 80: tout le monde se met au turbo, et quelques derniers réfractaires diéselisent leurs modèles (Alfa-Roméo, BMW, Rover, Mitsubishi, Toyota, Lancia, Mazda, Talbot, Seat). Apparition des premiers moteurs à injection directe en automobile (solution utilisée sur les camions depuis longtemps) avec la Fiat Croma et la Rover/Austin Montego. Beaucoup de bruit mais consommations ridicules (la grosse Croma consomme autant qu'une AX Diesel). Peugeot sort un nouveau moteur, le XUD, une référence qui motorisera les 305/2, 205, 405, Horizon, BX, Visa, Xantia, 406, 306, Xsara, ZX et tant d'autres. Qui plus est le XUD est une merveille de fiabilité et solidité, un must en occasion! Renault équipe son coupé Fuego du Diesel 2068 cc avec turbo, excellente idée mais les beaufs n'aiment pas frimer en Diesel.

VW turbo-D<= turbocompresseur sur moteur VW

Années 90 (80-10 en France): Saab (moteur Opel), Skoda (VW) et Honda (moteur Rover) rejoignent le club. Généralisation de l'injection directe grâce à la technique de la rampe commune, permettant l'emploi d'une très haute pression d'injection. VW et Audi montent un Diesel dans leurs cabriolets. Apparition d'injecteurs-pompes (comme les vieux Cummins!) sur le moteur VW-Audi => injection à 2000 bars, conso ridicule, pollution faible, rendement excellent.

Années 2000: Rolls Royce (qui avait déjà conçu un Wankel-Diesel il y a longtemps) et Jaguar pensent aussi à introduire un Diesel dans leurs gammes. Filtre à particules sur le HDi 2.2 de la peugeot 607.

 

POLLUTION:

Ces dernières années, le moteur Diesel s'est vu ramasser toutes les insultes possibles et imaginables quant à sa pollution démesurée. Marrant, ça, tu ouvres un bouquin des années 80 et keskon voit? Qu'il est moins polluant que le moteur à essence. Qui a raison? Tout le monde et personne (youpie la réponse de Normand). Replongeons-nous dans le contexte des années 70 et 80, soit celles qui ont vu l'expansion de ce mode de propulsion. Le moteur à essence était relativement basique dans la conception de son alimentation: un carburateur, simple ou double corps.

Carburateur<= Carburateur

 

Les systèmes d'injection d'essence étaient rares du fait de leur prix élevé, ce qui fait que la majorité des véhicules avaient un carbu, plus simple mais moins efficace quant au dosage précis du mélange air-essence. Les chambres de combustion étaient moins bien étudiées qu'actuellement (rendement assez mauvais), les bougies idem, le système d'allumage à bobine et rupteur se dérèglait plus facilement tout en étant sensible à l'humidité, le catalyseur n'existait qu'aux States et qui plus est l'essence contenait du plomb. Sans oublier les transmissions plus courtes, l'aérodynamique excécrable, les pneus plus résistants au roulement, etc... Le moteur à essence crachait pas mal de poisons dans l'atmosphère.

Le Diesel s'en sortait avec les honneurs: meilleur rendement grâce à un rapport volumétrique élevé (entre 20 et 23:1 contre 6 à 10/1 pour l'essence), calcul plus précis de la quantité de mazout à injecter (pompes d'injection de précision), bonne pulvérisation du mazout injecté (pression de plus de 130 bars, ça aide), combustion plus lente donc plus complète, moins d'imbrûlés rejetés dans l'atmosphère... de plus il ne fallait pas se soucier d'un éventuel rapport air/mazout, ce moteur fonctionnant en perpétuel excès d'air. En clair, net et décodé, le moteur Diesel avait un net avantage question rejets de saloperies.

Bosch EP/VE <= pompe d'injection Bosch VE. Cool, non?

 

Qu'en est-il actuellement alors? Les lois antipollution ont eu un effet bénéfique sur les moteurs à essence: tout moteur possède maintenant un système d'injection électronique, un catalyseur, une combustion étudiée (parfois même à mélange pauvre), un allumage électronique parfois à bobines indépendantes et l'essence est désormais dépourvue de plomb. En théorie, c'est très beau tout ça. Surtout que, fier de sa supériorité, le Diesel n'a pas évolué dans les mêmes proportions. Les constructeurs ont préféré axer le progrès sur les performances, nottamment grâce à cet accessoire magique qu'est le turbocompresseur. Et les bougres pouvaient se le permettre, car si la puissance et le couple étaient en hausse constante, la consommation diminuait également dans d'intéressantes proportions! La pollution aussi, puisqu'en améliorant le rendement on joue gagnant sur ces trois tableaux! Tu vas me demander si je ne te bourre pas le mou avec mes salades, vu que les écolos hurlent à la mort quand on leur parle de gas-oil! Ben non. Le fait est qu'on a remarqué que les émissions de suie (particules) n'étaient pas si innocentes que ça. Et comme le parc des voitures à mazout est maintenant gigantesque, cet aspect autrefois mineur de la pollution a pris des proportions inquiétantes. Milieu des années 90 (80-10 en France), le pauvre moteur à huile lourde n'a pas bonne presse.

Injection directe:

Les constructeurs réagissent, heureusement. Adoption de l'injection directe à très haute pression (plus de 1000 bars, et même plus!), permettant une pulvérisation encore plus fine du gas-oil dans la chambre de combustion, généralisation du turbocompresseur (meilleure respiration du moteur, meilleur balayage des cylindres entre admission et échappement), moins de pertes de rendement autrefois dûes à la chambre de turbulences (absente sur l'injection directe, la combustion se faisant à la tête du piston), contrôle électronique de l'injection et de la pré-injection, catalyseur d'oxydation et maintenant filtre à particules (Peugeot 607). Résultat? Une pollution en nette baisse, non seulement grâce à la combustion de plus en plus complète, mais aussi grâce à la moindre quantité de mazout consommé.

turbo compresseur<= turbocompresseur

Alternatives:

Alors? Toujours polluant le Diesel? Oui, mais si on jetait un coup d'oeil sur les alternatives prônées par les écolos (avec qui pourtant je partage :

-moteur à essence catalysé: en théorie c'est bien beau, le catalyseur. Mais pour fonctionner convenablement, il doit être à bonne température. Donc le moteur doit tourner longtemps. Et quand on sait que bon nombre de conducteurs utilisent leur voiture sur des petits trajets ne permettant pas une bonne mise en température, on peut décemment penser que leurs voitures polluent presque autant qu'il y a quinze ans (la consommation moindre en bonus, quand même). Tu vas me dire que maintenant il n'y a plus de plomb. C'est vrai et c'est un avantage non négligeable. Mais on ne connaît pas encore les effets des produits remplaçant le plomb (benzène?). Ne crions pas victoire trop vite. Saturnisme ou leucémie, même combat.

-moteur électrique: le garde-fou des écolos. J'aime bien les écolos, car le principe de sauver la nature est primordial à mes yeux. Mais par pitié qu'ils réfléchissent avant de se mèler de technique! Imagine, chère lectrice et lecteur et zappeur et surfeur et branleur, qu'on remplace toutes les voitures à combustion (essence, diesel, LPG) par des voitures électriques. La pollution immédiate diminuerait effectivement du jour au lendemain, autant par l'absence de rejets que par le silence de fonctionnement. Oui mais, n'y a-t-il pas autre chose? Comment qu'on la produit, c't'électricité? Avec des centrales. Et qui dit plus grande consommation d'électrons dit centrales qui turbinent à tout berzingue. Certaines sont hydrauliques (mon cher barrage de Tignes!!!!), mais que penser de celles fonctionnant avec des minerais polluants? Et pire, les centrales nucléaires? Si on évite l'accident majeur à la Tchernobyl, on aura malgré tout une plus grande accumulation de déchets dans les années à viendre (ou à venir si t'es prof de franchouillard). Et quand on sait comment ils sont gérés, on peut craindre le pire. En plus, c'est une manière assez égoïste de voir les choses: on utilise une bagnole, on ne se pourrit pas les poumons, mais ce sont les générations futures qui payeront le prix de notre confort! Après tout, en étant logique, si on veut utiliser un moyen de transport, c'est à nous d'en payer les conséquences, non?

Autres inconvénients possibles du moteur électrique:

-les batteries. Eh oui, il faut bien les recycler. Mais crois-tu vraiment que ça va se faire comme ça? Bon nombre de batteries mortes vont aller garnir les décharges (hihihi), car il y aura toujours des couillons indélicats pour s'en débarrasser facilement. Et quand on connaît la composition d'une simple batterie 12V (plomb et acide sulfurique), on est en droit de craindre le pire pour les nappes phréatiques. Et les nouveaux matériaux ne sont pas moins toxiques non plus.

-l'ozone: Oui, un moteur électrique dégage d'infimes quantités d'ozone, par ses balais provoquant de minuscules étincelles. Ce n'est pas très fort en soi, mais si toutes les voitures étaient électriques?

-les champs magnétiques: idem. Pas grave avec un moteur, mais si toutes les voitures étaient ainsi, ne risque-t-on pas quelques perturbations, comme pour les gens vivant sous une ligne HT?

-LPG: Probablement le carburant le moins polluant (quoique pas innocent non plus), mais malgré les précautions prises pour éviter les explosions (réservoirs blindés, normes strictes), est-il vraiment intelligent d'autoriser l'utilisation d'un carburant si dangereux? OK ça ne pète pas souvent, mais quand ça explose, ça explose! Rien que pour ça il vaudrait mieux oublier le LPG, ou du moins ne pas trop favoriser son développement. Alors qu'un Diesel, il faut y aller fort pour le faire exploser!

-Hydrogène: cf LPG. Aucune pollution, c'est génial, mais j'imagine déjà les défaillances dues à une méconnaissance de la technologie, et surtout leurs conséquences. Brrrrr.... Pourquoi pas une voiture à la nitroglycérine?

CONCLUSION:

Lis le texte, banane, ton esprit supérieur (car tu aimes la Décharge) sera guidé par la Force de Dark Vador et tu pourras toi-même, comme un(e) grand(e), écrire une belle conclusion sur tout ce que tu as lu. Si tu n'y arrives pas, allez, je vais quand même écrire une petite phrase de la mort qui tue, histoire de ne pas me faire virer de la Décharge: le Diesel c'est mieux, na!

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ps: Images prises sur http://www.gironet.nl/home/jvanson/e403.htm, http://www.atalante-models.com/carbu/, www.invent.org/book/book-text/31.html


N'oublie pas le préchauffage avant d'e-mailer Gilles.Snowcat@ping.be


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Dernières modifications : 23 avril 2001 (2001, l'Audi C de l'Espace)