Aventures olfactives:
Pas de repos pour les odeurs

Tous à vos masques!

L'indispensable équipement...

Le monde sent mauvais. Il pue dans tous les coins. L'Amazonie et son feu, la ville et ses oxydes soufrés, la campagne et son lisier, l'atmosphère et son kérosène, l'espace et ses fusées. Où qu'on aille, quoi qu'on fasse, ça pue. Le voisin de palier et ses odeurs de cuisine, le quidam dans la rue et ses odeurs de fesses, le patient chez le médecin et ses odeurs de bouche, le sportif dans les vestiaires et ses odeurs de pieds, le client au resto et ses odeurs de tabac.

Le monde sent mauvais. Il pue dans tous les coins. Agressé par toutes ses odeurs, l'homme se meurt. Il n'y a pas de repos pour les odeurs. Où qu'on aille, quoi qu'on fasse, ça pue. On brûle ses branches mortes, on fait un barbecue, on fait tourner son moteur. Vite, il faut fermer la vitre, le camion approche et va larguer ses fumées noires. Vite, il faut couper la ventilation car, dans le tunnel, les autres donnent des coups d'accélérateur nerveux dans le trafic et l'habitacle se remplit de nuées bleues.

Il fait chaud, et l'ascenseur reçoit son lot de visiteurs quotidiens. Petits bobos, odeurs de soins, dent cariée, odeurs de bouche, chaussettes sales, odeurs de pieds, diarrhée, odeurs de... Vite, vite au bureau... Je préfère encore mon collègue qui fume et qui fume. Pouah ! Il faut que je respire. La cigarette me prend à la gorge. La tête à la fenêtre, une agréable odeur d'essence fraîchement répandue me chatouille les papilles. Beurk ! J'ai envie de... faire pipi. Humons vite les odeurs de déjections, les égouts saturés des toilettes. La tête m'en tourne. De l'air, vite. Des vacances au large ! Une île dans l'océan. Ah ! Une bouffée d'air... Les avions font le plein sur la piste. Le kérosène, ça sent drôle. Mais la plage est là. Soupirs. Odeurs de marées, pourritures, marée noire, mon voisin fume en plus !

Course folle vers la montagne. Dieu que ça sent bon la garrigue et... les poubelles. Reliquats de sandwiches "gratinés" au soleil, épluchures de fruits qui empestent l'alcool. Mouches à merde près d'une merde... justement. Kargl ! L'hôtel, l'air conditionné. Pas d'odeur, vite ! Je rampe, je halète, le souffle court, je rêve d'un monde sans odeur. Je m'installe à table : un fromage, deux fromages, trois fromages, un plateau de fromages. Des visions s'emparent de moi. Un cauchemar, je vous dis. C'est un buffet fromages...

Retour au pays. Crac ! Accident, hôpital. Mauvaise santé, tente à oxygène, monde stérile. Enfin je respire. Plus d'odeur, c'est merveilleux. Tout est filtré, lavé, décanté. J'ai faim. Une vision subite et la certitude d'une envie s'insinue dans mon esprit. Un énoooorme morceau de viande rôtie accompagnée d'un plat qui fume. J'essaie de l'attraper. Une vision, ce n'était qu'une vision. Ca ne sent rien. Il n'y a rien dans l'air. Pas la moindre effluve. Que c'est dur, que c'est pénible. Où sont donc toutes les odeurs ? J'en rêve, j'en crève. Et dehors, le monde si puant qui s'offre à moi !

Je me réveille. Tout ça n'était qu'un rêve. Un bruit de fin du monde m'a tiré de mon songe. Le "camion-poubelles" fait un raffut de tous les diables dans la rue. Je regarde par la fenêtre, une vieille fenêtre, pas très étanche, et je sens les poubelles et les gaz d'échappement du camion. Puis, dans la chambre, ça sent l'haleine de la nuit, le pied de la veille, le pet matinal. J'ouvre la porte. Mon chien m'attend. Il sent le chien, le pauvre. Il ne sait rien. Il ne sait pas. Ma douce moitié est aux fourneaux dans la cuisine. Elle prépare son petit déjeuner. Ca sent le graillon. Dégoûté, je m'allume une cigarette, m'installe sur le pot et expulse une gigantesque merde dégoulinante. Après, j'irai rechercher mes vieilles chaussettes dans le panier à linges sales. Mes godasses sont sales aussi de toute façon. La rue pleine de crachats, de pipis, de choses grasses et odorantes me fait la nique. Ah, qu'il est bon de vivre sur Terre. Moi, j'ai bien dormi, mais y a pas de repos pour les odeurs.


Pas de repos pour le courrier non plus : Bad.Jawe@advalvas.be


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Dernières modifications : 21 août 1998